RESUME – Approche méthodologique pour l’objectivation des besoins en eau agricole dans un contexte de changement climatique – test sur le territoire du Lauragais tarnais (Occitanie)

Contexte

L’estimation des besoins en eau actuels et futurs de l’agriculture à l’échelle des territoires constitue une des données clés pour préparer l’aménagement et la gestion de l’eau, ainsi que l’adaptation des systèmes agricoles aux conséquences du changement climatique. De telles estimations sont attendues notamment dans le cadre de concertations territoriales sur la gestion de l’eau (PGRE, PTGE).


Problématique

La notion de « besoins en eau pour l’agriculture » recouvre de nombreux concepts : A l’échelle de la plante ou du système irrigué ? De la journée ou de l’année ? Besoins en eau verte ou en eau bleue ? Besoins pour quels objectifs de production ?

En outre, les déterminants de ces « besoins » sont nombreux (processus biophysiques, pratiques agricoles, conditions d’accès à l’eau…) et interagissent de manière complexe.

Enfin, l’exercice de prospective fait entrer en jeu un très fort degré d’incertitude.

Il est pourtant indispensable pour les acteurs de l’agriculture et de la gestion de l’eau de disposer à la fois de références acceptables, et de méthodes accessibles et reproductibles pour les produire.


Objectifs

Les objectifs du travail réalisé dans le cadre de ce stage consistent à :

  1. Concevoir et mettre en pratique une méthode « légère » d’estimation des besoins en eau agricoles actuels et futurs à l’échelle d’un petit territoire test
  2. Mettre en évidence le potentiel et les limites de la méthode et proposer des voies d’amélioration
  3. Discuter la reproductibilité de la démarche sur d’autres territoires, systèmes agricoles et dans différentes conditions de disponibilité de données

La mise en situation de ce stage s’est faite au sein de la Chambre Régionale d’Agriculture d’Occitanie, confrontée à cette problématique sur de très nombreux territoires. Le bassin-versant du Girou, dans le Lauragais Tarnais, a été choisi pour réaliser de premiers tests.


Méthode

L’étude a été réalisée en deux temps :

  1. Un état des lieux des démarches mobilisées pour l’estimation des besoins en eau agricoles dans le cadre d’études à l’échelle territoriale.
  2. La construction et le test d’une méthode de bilan hydrique territorialisé sur le bassin versant du Girou.

Résultats

8 études, menées en Occitanie et dans le Vaucluse, ont été analysées.
Les principales conclusions sont les suivantes :

  • 2 approches sont mobilisées : l’une par bilan hydrique, l’autre par estimation des volumes prélevés.
  • Les études consultées sont toutes menées sur deux horizons temporels : actuel et futur proche (2030-2060).
  • Toutes considèrent les surfaces et cultures actuellement irriguées (y compris à l’horizon futur). Notamment, aucune ne prend en compte les cultures conduites en pluvial actuellement et susceptibles d’être irriguées dans le futur.
  • L’analyse des besoins en eau se concentre sur la période d’étiage, dans le cas d’une année hydrologique quinquennale sèche. Les besoins sont supposés satisfaits sur la saison hivernale et printanière.

Une méthode de bilan hydrique territorialisé a été construite et testée sur le bassin versant du Girou, dans le Lauraguais Tarnais, territoire dominé par des systèmes agricoles à base maïs/blé/tournesol.
L’outil ASALEE d’Arvalis a été utilisé. Il mobilise le modèle de bilan hydrique Irré‐LIS® associé à une fonction de production permettant d’estimer des rendements selon le niveau de satisfaction des besoins en eau des cultures.

La méthode produit pour chaque culture des estimations des besoins en eau et du déficit hydrique par stade phénologique, ainsi qu’une estimation des rendements associés, à l’état actuel (2017-2022) et à un état futur (2048-2068) basé sur une modélisation climatique (scenario RCP8.5) issue des données DRIAS. Les années quinquennales sèches sont identifiées par culture. Ces résultats sont agrégés à l’échelle du bassin-versant.


Discussion

Au terme d’un état des lieux des méthodes mises en œuvre dans 8 études territoriales pour l’estimation des besoins en eau agricoles, il a été décidé d’élaborer et tester une méthode intégrant d’une part l’estimation des besoins en eau verte et bleue par culture sur l’ensemble du cycle, et d’autre part la modélisation des impacts de potentiels déficits hydriques sur les rendements. Cette méthode a pu être mise en place dans un délai court, en s’appuyant notamment sur des données facilement accessibles. Toutefois, les résultats quantitatifs obtenus lors de ce premier test doivent encore être consolidés, selon plusieurs aspects que la démarche a permis de mettre en évidence :

  • Des hypothèses qui ne représentent sans doute pas la diversité des pratiques agricoles : irrigation, variétés, dates de semis, précédents culturaux, intercultures, travail du sol
  • L’absence de scenarios d’évolution des systèmes agricoles, notamment les possibles rétroactions d’un accès limité à la ressource en eau à l’avenir
  • La précision des données, particulièrement les données pédologiques
  • La prise en compte d’autres effets du changement climatique, au-delà de l’évapotranspiration et des modifications des cycles phénologiques : effet de la concentration en CO2, coups de chaud…
  • La mise en place d’une approche multi-modèles, aussi bien sur les scenarios climatiques que pour les modèles de cultures, en vue d’améliorer la robustesse des résultats

De tels approfondissements sont possibles, mais ne manqueront pas de poser la question de la reproductibilité de la méthode, et de l’applicabilité à d’autres systèmes agricoles.


Conclusions et perspectives

Le stage avait pour objet d’explorer les possibilités d’une approche méthodologique légère et reproductible pour l’objectivation des besoins en eau agricole dans un contexte de changement climatique.
La mise en situation de ce stage s’est faite au sein de la Chambre Régionale d’Agriculture d’Occitanie, confrontée à cette problématique sur de très nombreux territoires. Le bassin-versant du Girou, dans le Lauragais Tarnais, dominé par des systèmes blé/maïs/tournesol, a été choisi pour réaliser de premiers tests.

Un état des lieux des méthodes mises en œuvre dans 8 études territoriales pour l’estimation des besoins en eau agricoles a mis en évidence des faiblesses communes à l’ensemble de ces approches, notamment : la limitation du bilan à la saison estivale et aux besoins des cultures conduites en irrigué, et la non prise en compte des effets du changement climatique sur les cycles de culture. Une méthode intégrant ces deux éléments a pu être mise en place dans un délai court, en s’appuyant notamment sur des données facilement accessibles. Toutefois, les résultats quantitatifs obtenus lors d’un premier test doivent encore être consolidés. En effet, les sources d’imprécision demeurent nombreuses à la fois sur les données d’entrée et sur l’élaboration et la modélisation de scenarios futurs.

La sensibilité des résultats obtenus à ces paramètres pourrait être étudiée pour identifier les voies d’amélioration les plus pertinentes. Des approches multi-modèles pourraient également être envisagées. Toutefois, un équilibre restera à trouver entre précision d’une part, et simplicité et reproductibilité d’autre part. Enfin, il faudrait envisager l’adaptation à des contextes de systèmes agricoles différents et plus complexes.


A propos de ce travail

Ce travail a fait l’objet d’un stage de validation de Master 2 Sciences de l’Eau, Parcours Eau et Agriculture, réalisé par Diyae El Malki de mars à septembre 2022, au sein de la Chambre Régionale d’Agriculture Occitanie.