Contexte
Les phénomènes de sécheresse deviennent de plus en plus fréquents et intenses, ce qui met en péril les cultures agricoles et par extension, toutes les productions en découlant. Bien que figurant parmi les solutions de maintien des productions, l’irrigation pose un problème de gestion des ressources particulièrement en période estivale où l’utilisation de l’eau est limitée même dans le domaine agricole.
Face à ces problématiques, les politiques publiques essayent d’instaurer une gestion collective de l’eau. Les Organismes Uniques de Gestion Collective (OUGC) sont des organismes désignés par le préfet suite à la candidature d’une entité – chambres d’agriculture, collectivité, syndicat, association… Ces organismes ont pour rôle de répartir les volumes d’eau entre les irrigants. Ils sont les maillons entre la préfecture et les irrigants. Donc ils communiquent avec les irrigants concernant la réglementation et les volumes d’eau autorisés par campagne d’irrigation. Un service numérique est déjà implémenté dans certains OUGC pour traiter les demandes de volume par année mais il reste à développer.
Objectifs
Au vu du contexte, la mise en place d’une application mobile efficace entre les OUGC et les irrigants est l’objectif principal. Cela se découpe en plusieurs problématiques :
- Quelles décisions pour accompagner les irrigants ?
- Quelles informations échanger entre les OUGC et les irrigants, et quel choix d’information faut-il faire pour que l’information soit pertinente ?
- Quel vecteur privilégier et sous quelle représentation les informations doivent-elles être communiquées ?
- Quelles sont les fonctionnalités les plus critiques permettant d’obtenir l’adhésion des utilisateurs ? Quelle est la hiérarchie des fonctionnalités à développer ?
- Quelle est la faisabilité et les intérêts industriels de l’application ?
Méthode
L’étude a été réalisée en deux temps :
Recueil des besoins des agriculteurs et des OUGC
Le recueil des besoins s’est effectué en distanciel pour les OUGC et en présentiel pour les agriculteurs dans les départements de la Drôme, Maine-et-Loire, Ardèche, Vaucluse, Haute-Provence et Alpes-de-Haute-Provence. Les besoins ont été quantifiés et qualifiés grâce à des questionnaires. Les questionnaires proposent des hypothèses de fonctionnalités que les acteurs doivent évaluer. Ils permettent d’avoir des retours sur les attentes sur le fond et la forme. De plus, ils interrogent sur les habitudes sur l’utilisation du numérique.
Analyse et design de l’application mobile
Les besoins sont priorisés selon les retours des enquêtes. L’application mobile est prototypée en suivant les besoins collectés durant les enquêtes.
Résultats
Sept OUGC ont été interrogés sur 4 départements différents. Plusieurs profils d’OUGC sont révélés et leurs stades d’avancement sont différents. Pour les OUGC ayant déjà une Autorisation Unique de Prélèvement (AUP), l’application est une bonne initiative pour communiquer avec les irrigants à propos des réglementations.
Douze irrigants sont interrogés sur 4 départements différents. Ils sont soumis à différentes modalités de restrictions sur l’eau. Par exemple, en Maine-et-Loire, les restrictions sont faites par tours d’eau. Tandis que dans le Vaucluse, les tours d’eau ne sont pas une restriction implémentée.
Les enquêtes révèlent que :
- L’hétérogénéité des organismes et des territoires implique une application mobile modulable
- Les fonctionnalités doivent offrir du service à l’irrigant
- Les besoins sont des fonctionnalités sur le domaine du réglementaire (restrictions de l’arrêté préfectoral, saisie d’index, enquête…)
- Les restrictions doivent être résumées pour les irrigants afin qu’ils adaptent leur stratégie d’irrigation par point de prélèvement
- Certaines fonctionnalités ne sont pas faites pour une utilisation mobile
L’application mobile est désignée en fonction des besoins recueillis et donc des fonctionnalités qui semblent critiques pour les irrigants.
Discussion
Les services numériques ne sont pas nombreux concernant la gestion collective de l’eau. Donc le choix d’une application mobile est intéressant pour son aspect d’ubiquité et de facilité d’utilisation. Aquasys a déjà développé une application mobile mais il faut intégrer tous les besoins qui sont remontés lors de ces enquêtes.
Il faut tout de même préciser certaines limites à ces enquêtes :
- Le panel de personnes interrogées est limité. Ce stage reste une étude pilote.
- Les usages des fonctionnalités sont conditionnés par la mise en place d’un OUGC
- La priorisation des besoins est orientée métier donc elle ne prend pas en compte les aspects industriels, la maintenance de l’application et les aspects financiers
La phase d’enquête a été faite dans une période particulièrement pauvre en disponibilité en eau. Certains irrigants n’ont pas estimé que l’application serait un levier pour avoir plus d’eau.
Conclusions et perspectives
L’application est disponible sur smartphone avec les informations concentrées et en temps quasi-réel. La conduite de l’irrigation peut être guidée grâce aux fonctionnalités sur les restrictions, indicateurs de consommation et saisie d’index. L’application peut s’inscrire dans un paysage plus grand avec d’autres services (par exemple d’autres OAD). En effet, elle peut être couplée à des services de suivi de besoin en eau des plantes ou services météorologiques.
Le changement climatique va imposer de plus en plus de restrictions sur la ressource en eau. Cela va causer des problèmes de disponibilité en eau pour les irrigants et donc une possible perte progressive de leur rendement. Plusieurs piliers sont soumis à ses contraintes climatiques : la souveraineté alimentaire, le partage équitable de la ressource en eau, la sécurisation des cultures, etc…
Les perspectives sont de déployer l’application au plus grand nombre d’OUGC pour que les informations circulent plus rapidement et dans un lien de confiance, entre les OUGC et les irrigants. Les limites risquent d’être la fiabilité et la remontée des données. En effet, il faut assurer que les données affichées soient fiables pour une prise de décision. Et, en retour, que les données des irrigants soient remontées aux OUGC pour la répartition des volumes.
Il serait intéressant de prolonger les études de terrain afin d’avoir une représentativité au sein d’un même territoire. Ce territoire doit être coordonné par un OUGC ayant l’autorisation unique de prélèvement (AUP) ce qui permet d’avoir une assise pour la répartition des volumes entre les irrigants.
A propos de ce travail
Ce travail a fait l’objet d’un stage de 3ème année d’ingénieur agronome en spécialisation AgroTIC, réalisé par Cécile Gallart de mars à septembre 2022, au sein d’Aquasys.