RESUME – Quels accompagnements aux transitions agroécologiques des agriculteurs en grandes cultures dans le sud-ouest ? Une étude de collectifs d’agriculteurs accompagnés sur des projets de transition

Contexte

Confronté à de nouveaux enjeux environnementaux, sociétaux, et économiques, accentués par le changement climatique, le système agricole basé sur un modèle productiviste d’après-guerre, est aujourd’hui remis en question. A l’origine de lourds impacts environnementaux, les systèmes alimentaires doivent être repensés pour tendre vers davantage de résilience, et le secteur agricole est le premier à devoir s’adapter. L’agroécologie, concept au caractère polysémique, est source de solutions. A grande échelle, elle vise à regrouper de façon systémique science, politique, nature, alimentation et agriculture, pour répondre aux enjeux environnementaux et alimentaires. Dans un champ plus restreint, elle promeut des systèmes de production agricole valorisant la diversité biologique et les processus naturels, pour tendre vers un « produire autrement », et se présente comme une alternative à l’agriculture dite conventionnelle.


Problématique

La mise en place de pratiques agroécologiques, et l’adaptation des systèmes traditionnels pour tendre vers une agriculture plus durable, impliquent des changements complexes. Pour les agriculteurs, c’est une redéfinition des normes, une nouvelle maîtrise et de nouvelles connaissances à acquérir, la nécessité d’adopter une vision long-terme source d’incertitudes, et d’adapter constamment les systèmes en fonction des évolutions observées, des aléas, des résultats. Sous contrainte permanente de résultats économiques, cette complexité représente surtout une prise de risques. Elle ne permet pas d’envisager des changements sans transition, et montre la nécessité d’un soutien technique et moral.


Objectifs

L’étude vise à répondre aux questions suivantes :

  • Quels outils ou dispositifs pourraient accompagner les agriculteurs au mieux dans une transition agroécologique ?
  • De quel accompagnement ont-ils besoin pour envisager et mener une transition réussie ?
  • Les accompagnements menés jusqu’à aujourd’hui par les conseillers et technico-commerciaux sont-ils adaptés à la transition agroécologique ?
  • Quels accompagnements spécifiques faudrait-il envisager pour les agriculteurs en grandes cultures dans le Sud-Ouest ?
  • Quels freins sont encourus pour accompagner et mener une transition ? et quels leviers peuvent les pallier ?

Méthode

Une approche progressive du sujet et des cas d’études…

  1. Cadrage
    Les objectifs initiaux de l’étude se déclinent en deux axes. D’une part, une analyse du processus de transition, et de l’autre une capitalisation méthodologique de la conduite du changement, de l’accompagnement de la transition.
  2. Bibliographie
    Définir les notions liées à l’agroécologie.
    Identifier des exemples d’accompagnement de la transition agricole, les acteurs impliqués, les enjeux de la transition et de l’accompagnement.
  3. Entretiens semi-directifs et entretiens ciblés
    22 entretiens avec des acteurs engagés dans l’animation de la transition et des agriculteurs
  4. Analyses et mise en perspective
    Valorisation des données issues de la bibliographie et des entretiens.

Résultats

La transition doit relever de multiples défis : complexité, incertitudes, risques, changements, innovation…

Nous avons identifié des prérequis pour le pilotage des projets d’accompagnement à la transition :

  • Bien définir le périmètre du projet et ses moyens ; adapter la taille des groupes en conséquence ;
  • Impliquer rapidement les agriculteurs pour partir de leurs besoins ;
  • Prévoir de varier les outils de communication et d’interactions.

La matrice ci-après résume les freins et leviers pour la mise en œuvre des processus de transition agroécologique, du point de vue des animateurs de ces processus d’une part, et de celui des agriculteurs d’autre part.


Discussion

Les projets collectifs de transition semblent répondre à l’essor d’intérêt actuel pour s’engager dans des changements et faire face aux forts enjeux du secteur agricole. Ainsi, l’animation de ces groupes, idéalement basée sur l’écoute, la confiance, un climat bienveillant et un appui technique et financier, propose un accompagnement diversifié. En effet, nombreux des projets étudiés sont rythmés par une stratégie d’accompagnement alliant échanges individuels et groupés, apports de documents techniques, accès à des formations, et actions de communication pour la diffusion du projet et de ses résultats. Cette stratégie varie selon les contextes de chacun des projets, mais les animateurs semblent tous et toutes prendre du recul sur leur accompagnement et en tirer des apprentissages.

Pour la majorité d’entre eux, les projets partent de besoins énoncés par les agriculteurs, et permettent de mettre en place des essais adaptés au contexte de chacun, complétés parfois par des plateformes expérimentales dans un souci de démonstration, multiplication et diffusion de résultats et références. Une importance est globalement donnée aux suivis en collectif, par l’organisation de réunions dites « bout de champ ». Ce type d’animation combine en effet de nombreux éléments apportant des appuis à la transition : échanges entre pairs, partage d’expériences et retours, constatations visuelles et discussions de résultats, créations de liens, etc.

C’est d’ailleurs ce qui est apprécié des agriculteurs, car ces moments d’échanges ont un effet rassurant et stimulant quant aux incertitudes que peuvent induire des changements de pratiques. Par le développement de leur réseau et ainsi l’identification des dynamiques locales, ils se sentent moins seuls dans les efforts qu’ils doivent fournir pour s’adapter aux attentes sociétales, aux réglementations, directives et marchés. De ce fait, le collectif représente un outil motivant, rassurant, au sein duquel les agriculteurs peuvent accéder à des références de terrain, participer à leur multiplication et diffusion, tout en avançant au rythme qu’ils souhaitent.


Conclusions et perspectives

Ces dispositifs collectifs émergents apportent une réponse de soutien à la transition agroécologique des agriculteurs. Cependant, constamment freinés par des moyens humains et financiers restreints, les accompagnements proposés restent limités. Certains agriculteurs demandent un accompagnement plus complet leur permettant d’accéder à la maîtrise des nouvelles pratiques pour sécuriser les risques d’incertitudes identifiés, sur un temps plus court. Cette demande semble aussi liée au fait que s’engager, mener et aboutir une transition requière du temps, alors que les activités agricoles des agriculteurs sont déjà très prenantes. En parallèle, certains des animateurs portent une attention particulière à la relation individuelle construite avec chacun d’entre eux, dans un souci de soutien et de proximité pour avancer de manières optimales avec les agriculteurs sur leur transition. Pourtant utile à la trajectoire individuelle de chacun, cette approche est souvent mise de côté car trop chronophage. C’est ici que le rôle du collectif, avec la diversité des profils d’agriculteurs, montre un intérêt certain, où chaque élément du groupe jouera sur la trajectoire de transition collective.


A propos de ce travail

Ce travail a fait l’objet d’un stage de 3ème année d’ingénieur agronome INP ENSA Toulouse, réalisé par Anna Rochwerger d’avril à septembre 2022, au sein de la CACG.